1 LE CADRE HARMONISE DE GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET LES EXIGENCES DE TRANSPOSITION_ 9
1.1. Le cadre harmonisé de gestion des finances publiques issu des directives de 2011_ 9
2. ÉTAT DE LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES DU CADRE HARMONISE ET DIFFICULTES Y RELATIVES_ 20
2.1. Les dispositions communautaires à transposer en droit interne 20
2.2. Déroulement du processus de transposition des directives 22
2.3. Les dispositions non transposées en intégralité 24
3. ROLE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LA GOUVERNANCE FINANCIERE PUBLIQUE AU CAMEROUN_ 28
3.3. Implication de la société civile dans les réformes au Cameroun_ 30
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS_ 37
1. Recommandations spécifiques aux pouvoirs publics 38
2. Recommandations spécifiques a la société civile_ 38
3. Recommandations spécifiques à destination de la communauté_ 40
AE |
Autorisation d’Engagement |
BP |
Budget-Programme |
CDMT |
Cadre de dépense à moyen terme |
CEDEAO |
Communauté Économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest |
CEMAC |
|
COMESA |
Common Market for Eastern and Southern Africa and West African Economic and Monetary Union |
DSCE |
Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi |
DGB |
Direction Générale du Budget |
FMI |
Fonds Monétaire International |
GAR |
Gestion axée sur les résultats |
LF |
Loi de Finances |
LOLF |
Loi organique relative aux lois de finances |
MINEPAT |
Ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire |
MINFI |
Ministère Des Finances |
MINMAP |
Ministère des Marchés publics |
ODD |
Objectif de Développement Durable |
PCE |
Plan Comptable de l’État |
PPA |
Projet de Performance des Administrations |
PPBS |
Planning, Programming, and Budgeting System |
PPTE |
Pays Pauvres Très Endettés |
PROBMIS |
Programme- Budget Management Information System |
PTF |
Partenaires Techniques et Financiers |
PTF |
Partenaire Technique et Financier |
RAP |
Rapport Annuel de Performance |
RFE |
Régime Financier de l'Etat |
RFP |
Réforme des Finances Publiques |
RGCP |
Règlement Général sur la Comptabilité Publique |
TOFE |
Tableau des Operations Financières de l’État |
UE |
Union Européenne |
UEAC |
Union Économique des États de l’Afrique Centrale |
UEMOA |
Union Économique et Monétaire ouest africaine |
SADC |
Southern African Development Community |
Le 19 Décembre 2011 étaient adoptées par la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) six directives visant à harmoniser le cadre juridique de la gestion des finances publiques dans ses États membres. Les Directives CEMAC telles qu’elles sont communément appelées participent d’une dynamique de modernisation de la gestion des finances publiques voulue plus transparente dans les pays concernés - dont le Cameroun, principale économie de la sous-région abritant certaines des plus importantes institutions financières de la Communauté - et mieux à même de répondre aux exigences de comparabilité entre eux et avec les autres régions du monde des données financières publiques.
Cela devrait également permettre d’améliorer le suivi des politiques économiques, budgétaires et financières des États membres sur l’exemple des Directives de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) de 1997 et 1998 et des bonnes pratiques qui en ont découlé.
Le degré de transposition des Directives CEMAC au Cameroun est suivi de près par la Société Civile locale qui s’est engagée à appuyer les pouvoirs publics dans le renforcement de la bonne gouvernance, portée, à travers ses diverses actions de plaidoyer et de sensibilisation aux principes de redevabilité mutuelle et transparence qu’elle promeut, par les Objectifs de Développement Durable (ODD) ; lesquels suggèrent de mettre l’ensemble des partenaires au développement à contribution en vue de l’éradication de la pauvreté, de la lutte plus efficace contre les inégalités et au-delà, de la préservation de la cohésion sociale.
Le lancement en mars 2019 du projet de Renforcement des Capacités de la Société Civile dans le Contrôle Citoyen des Finances Publiques (ROSFIP) financé majoritairement par l’Union Européenne (UE), partenaire privilégié dans la mise en œuvre de l’action publique en faveur du développement au Cameroun, offre ainsi un signal fort de la reconnaissance de la Société Civile en tant qu’acteur clé de la réflexion autour d’une meilleure gestion des finances publiques en vue de l’amélioration des indicateurs nationaux de développement. Comment la Société Civile inscrit-elle son action dans le domaine financier public, longtemps resté l’apanage des acteurs institutionnels ? Comment celle-ci pourrait aider les pouvoirs publics à inverser la courbe du retard observé, s’agissant de l’internalisation des Directives CEMAC ? Le pays dispose-t-il de ressources suffisantes et adéquates pour s’arrimer aux normes communautaires ?
La présente étude présente la mécanique d’internalisation des directives déployée par le Cameroun pour s’arrimer aux normes communautaires. Elle permet en outre d’évaluer l’efficacité des mécanismes politiques ou administratifs existant dans le droit camerounais et spécifiques à la mise en œuvre des opérations de transposition du cadre harmonisé de gestion des finances publiques. Elle apporte à partir du contexte camerounais des éléments d’analyse quant au rôle que peuvent jouer les acteurs non étatiques au développement du Cameroun - notamment la Société Civile- dont l’intérêt pour les thématiques liées à la gestion des finances publiques est grandissant ainsi qu’en témoigne le projet de Renforcement des Capacités des Organisations de la Société Civile dans le Contrôle Citoyen des Finances Publiques (ROSFIP) lancé en Mars 2019 - dans l’accélération des processus y relatifs.
Tableau 1 : Principales innovations du régime financier de 2007. 10
Tableau 2 :Le Cadre de pilotage de ces réformes. 11
Tableau 2 : Le tableau ci-contre rappelle les axes et objectifs du PMFP. 12
Tableau 4 : Ecarts entre le régime financier et la directive n°01 relative aux lois de finances. 20
Tableau 5 : Ecarts entres les autres directives et les textes nationaux de transposition. 21
Tableau 6 : Dispositions nécessitant une modification constitutionnelle. 25
Tableau 7 : Dispositions institutionnelles et règlementaires non transposées en intégralité. 26
Au cours des années 2000, le Gouvernement de la République du Cameroun a engagé des réformes majeures dans le domaine des finances publiques avec l’adoption et la promulgation de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant Régime Financier de l’État. Cette loi a introduit des innovations importantes dans la gestion des finances publiques au Cameroun. Elle instaure notamment une budgétisation par programmes qui a permis de passer d’une logique de budget de moyens, qui reflétait difficilement les priorités nationales, à une logique de budget par programmes qui se focalise sur l’efficacité de l’action publique et non plus seulement sur les aspects liés à la régularité de la dépense.
Parallèlement à ce chantier de réformes entamé par le Cameroun avec en perspective la mise en œuvre intégrale du Régime Financier de l’État (RFE) pour le 1er janvier 2013, le Conseil des Ministres de la CEMAC a adopté en décembre 2011 un ensemble de dispositions devant formaliser le Cadre Harmonisé de Gestion des Finances Publiques au sein du périmètre Communautaire, dont le délai de transposition dans les législations des États membres, initialement fixé au 31 décembre 2013 a été repoussé au 31 décembre 2017, puis au 31 décembre 2021, en raison de la persistance de retards de transposition de la part de certains États membres à l’instar du Cameroun.
L’étude vise de manière générale à faire un état des lieux de la transposition des Directives CEMAC dans la législation camerounaise. De manière spécifique il s’agit :
La présente étude devrait ainsi permettre aux acteurs intéressés, à l’instar de la société civile, de s’approprier les spécificités du cadre harmonisé de gestion des finances publiques au sein de la communauté ainsi que les textes de transposition y relatifs dans le contexte camerounais.
Au plan méthodologique, la présente étude s’est appuyée sur des données primaires issues d’enquêtes semi-structurées, auprès des parties prenantes (responsables pays du Bureau de la CEMAC, fonctionnaires du Ministère des Finances et spécialement de la Direction Générale du Budget en charge de la conduite du processus de transposition des Directives, représentants de la société civile impliquées dans le contrôle citoyen des finances publiques, juristes et professeurs de droit) selon leur degré d’intervention dans la formulation et l’implémentation des Directives ou en fonction de leur compréhension approfondie en tant que personnes ressources du cadre y relatif.
Les données secondaires sur lesquelles se fonde l’analyse émanent quant à elles d’une recherche documentaire tirant profit de la pléthore d’informations contenues dans les documents de référence de la CEMAC sur la mise en œuvre des Directives depuis leur adoption en 2011 ainsi que d’autres études et analyses disposant d’un champ similaire à celle-ci.
Comme valeur ajoutée, l’étude a été facilitée par la proximité des Consultants avec le Ministère des Finances du Cameroun (MINFI) au sein duquel ils exercent de longue date des responsabilités liées notamment aux processus de construction communautaire les mettant en lien étroit avec la mécanique camerounaise de transposition des directives financières de la CEMAC, ainsi que de par leur formation universitaire qui recoupe les thématiques débattues.
Le présent rapport est structuré de la manière suivante :
Les directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques dans les pays membres de la CEMAC interviennent en 2011 alors que le Cameroun est depuis plusieurs exercices budgétaires dans les travaux de mise en œuvre progressive de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’État dont l’entrée en vigueur intégrale était prévue au 1er janvier 2013, avec notamment l’institutionnalisation du budget programme[1]. Cette partie du rapport présente les principales innovations ainsi que le cadre de pilotage des travaux de mise en œuvre du RFE.
Le régime financier de l’État de 2007 s’est inspiré des bonnes pratiques en la matière au niveau international et notamment de la loi organique portant loi de finances en France (LOLF). Il a été adopté suite au diagnostic du système de gestion des finances publiques à travers l’étude PEFA[2]. Les principales innovations de ce texte qui a remplacé l’Ordonnance n° 62/0F/4 du 7 février 1962 portant régime financier de la République Fédérale du Cameroun modifiée par la loi n° 2002/001 du 19 avril 2002 sont résumées dans le tableau ci-dessous :
Tableau 1 : Principales innovations du régime financier de 2007
N° |
Innovations |
Observations |
01 |
Évolution des principes budgétaires |
|
02 |
(Responsabilisation) Déconcentration de l’ordonnancement
|
|
03 |
Passage du budget de moyen au budget programme |
|
04 |
Évolution de la comptabilité publique |
|
05 |
réaffirmation du monopole du Trésor Public |
|
06 |
Renforcement du contrôle parlementaire
|
|
07 |
Renforcement du contrôle juridictionnel |
|
Diverses instances ont été mises en place à l’effet de conduire les réformes induites par l’adoption du RFE et organisées autour du plan de modernisation des finances publiques.
Le Cadre de pilotage de ces réformes
Le pilotage des réformes des finances publiques au Cameroun distingue le niveau stratégique, du cadre opérationnel. D’une part, le pilotage stratégique des réformes des finances publiques est conduit par le Ministre des Finances qui préside deux Comités de Pilotages. D’autre part, de manière opérationnelle, les activités de réformes sont conduites par des structures bien précises notamment le Secrétariat technique, la Division de la Réforme et les services de mise en œuvre.
Les missions et compositions de ces instances de pilotage sont présentées dans le tableau ci-dessous :
Tableau 2 : Le Cadre de pilotage de ces réformes
Instances |
Missions |
Membres |
Pilotage stratégique |
||
Comité de pilotage de la Plateforme de Dialogue sur les Finances Publiques |
|
Représentants des autorités camerounaises Partenaires techniques et financiers Représentant de la Société Civile et du Secteur Privé |
Comité chargé du Pilotage des Réformes des Finances Publiques |
L’instance d’orientation, d’animation et de supervision de la mise en œuvre des réformes budgétaires |
PRC, SPM, CONSUPE, Départements ministériels, Cellule PROMAGAR, CTS, SPRA MINFI et MINEPAT. Commission des Finances de l’Assemblée Nationale |
Pilotage opérationnel |
||
Secrétariat technique des réformes |
Coordonner, préparer suivre la mise en œuvre des actions de réforme, assister les structures pour la mise en œuvre des réformes, piloter leur mise en œuvre t produire les rapports d’activité et d’avancement des travaux. |
Cadres spécialisés par domaines Réformes budgétaires et contrôle, Réformes comptables et recettes, Renforcement des capacités, Systèmes intégrés de gestion, Affaires administratives, financières et comptables, Passation des marchés. |
Division de la réforme budgétaire |
Instance de préparation et de coordination de toutes les réformes budgétaires au MINFI Elle assure le mandat du secrétariat technique des réformes |
Responsables Cadres Agents |
SMO |
Interviennent dans les axes stratégiques, assure le reporting régulier au responsable sur l’état d’avancement des actions. |
Les responsables Les chefs de projets Les cadres et agents |
Groupes de travail |
Soutenir les actions de mises en œuvre des réformes |
Présidents, rapporteurs et membres |
Sources : Arrêtés n° 028/CAB/PM du 09 février 2007 et n° 063 CAB / PM du 19 février 2009, organigramme 2012 MINFI
Le Plan de Modernisation des Finances Publiques
Le Plan de Modernisation des Finances Publiques (PMFP) adopté en 2009 a tenu compte des insuffisances constatées par l’évaluation du système de gestion des finances publiques du Cameroun selon la méthodologie PEFA en 2007. C’est le premier document clé dans la mise en œuvre des réformes. Il a été structuré autour de dix (10) axes dont sept (07) relatifs au cycle budgétaire et trois (03) concernant les fonctions transversales.
Tableau 3 : Les axes et objectifs du PMFP.
Axe stratégiques |
Objectifs |
Axe 1 - Planification, programmation, budgétisation |
Une budgétisation basée sur les politiques publiques |
Axe 2 - Recette et fiscalité |
Une meilleure performance des dispositifs de mobilisation des ressources internes et externes |
Axe 3 - Financements extérieurs |
|
Axe 4 - Exécution budgétaire |
Une exécution du budget transparente et conforme aux normes internationales |
Axe 5 - Comptabilité publique |
|
Axe 6 - Trésorerie et dette |
|
Axe 7 - Contrôles internes et externes |
|
Axe 8 - Gestion des ressources humaines et de la masse salariale |
Une gestion des ressources humaines adaptée aux enjeux de la gestion axée sur les résultats |
Axe 9 - Systèmes informatiques
|
Un système d’information adapté aux exigences de modernisation de la gestion des finances publiques |
Axe 10 - Cadre institutionnel et capacités |
Un cadre institutionnel de la gestion des finances publiques renforcé |
La prise en compte des exigences de transposition des directives CEMAC de décembre 2011, notamment le démarrage des travaux d’identification des écarts entre les obligations fixées dans les directives et le corpus juridique national va conduire à l’adoption d’un PMFP révisé au cours de la période 2012-2015.
Dans l’optique d’atteindre ses objectifs d’intégration régionale, le Conseil des Ministres de l’union économique des États de l’Afrique Centrale (UEAC) a adopté le 11 Décembre 2011 six directives visant la modernisation des instruments de gestion et de pilotage des finances publiques au sein de la CEMAC.
Ce sont les directives relatives au Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au sein de la CEMAC, aux lois de finances (LF), au règlement général sur la comptabilité́ publique (RGCP), à la nomenclature budgétaire de l’État (NBE), au plan comptable de l’État (PCE) et au tableau des opérations financières de l’État (TOFE). Leur adoption devrait permettre d’harmoniser, dans le périmètre communautaire constitué du Cameroun, du Gabon, de la Guinée Équatoriale, de la République Centrafricaine, de la République du Congo et du Tchad, le cadre juridique de gestion des finances publiques. Elles participent ainsi d’une dynamique de modernisation de la gestion des finances publiques voulue plus transparente dans les pays concernés dans l’optique d’un meilleur suivi des politiques économiques, budgétaires et financières des États membres[4], afin de mieux répondre aux exigences de comparabilité des statistiques financières publiques nécessaire à une surveillance multilatérale efficace des politiques budgétaires nationales.
Ce nouveau cadre harmonisé vient succéder aux cinq (05) premières directives adoptées dès 2008 mais n’ayant jamais été implémentées en raison d’un accompagnement lacunaire des institutions communautaires, mais aussi et surtout en raison de nombreuses insuffisances ou d’incohérences internes. Leur évaluation par le Fonds Monétaire International (FMI) en 2009 impliquant à la fois les États membres et les partenaires techniques et financiers (PTFs) a permis à la CEMAC, grâce à l’appui technique du FMI à travers son Département des Finances Publiques, de procéder à une relecture des Directives et de les rénover avec comme principal objectif, entre autres, de promouvoir le processus d’intégration physique, économique et monétaire[5] - en Afrique centrale, lequel passe par la transposition des directives revues des finances publiques dans le droit public financier des États membres.
Les nouvelles directives ainsi adoptées modifient le cadre communautaire préexistant de gestion des finances publiques pour l’inscrire dans de nouveaux paradigmes, dont les principaux sont les suivants :
Ces directives renouvellent également les modalités de gestion, notamment celles d’un budget de programme avec des indicateurs de performance associés et la déconcentration de l’ordonnancement - la comptabilité de l’État étant désormais assurée à la fois par le comptable et l’ordonnateur - faisant parallèlement du niveau ministériel le plus pertinent pour l’exécution du budget[6] puisque le responsable de programme est nommé par son ministre et devient par le biais de cette désignation le principal artisan du budget programme[7].
Les innovations techniques au plan budgétaire qui occupent une place importante dans ce cadre revu de gestion des finances publiques concernent par ailleurs la nouvelle présentation du budget ; selon le nouveau régime financier de l’État Camerounais en vue de l’arrimage aux Directives communautaires. Elle permettra au Parlement de s’imprégner en amont de l’esprit du budget à travers des discussions sur les objectifs de stabilité budgétaire par le biais d’un débat d’orientation budgétaire (DOB) et intègrera en l’occurrence les fonds des partenaires au développement.[8]
Cette nouvelle présentation du budget consacre aussi l’introduction de deux nouvelles classifications : l’une fonctionnelle et programmatique, à côté des traditionnelles classifications économique et administrative. Elle consacre également des principes d’articulation entre la nomenclature budgétaire et le plan comptable de l’État renforçant ainsi, toujours dans le cas du Cameroun, le contrôle de la dépense publique tout en l’adaptant en fonction du niveau de risques budgétaires ; ce qui accorde au contrôleur financier un rôle d’acteur budgétaire avec des pouvoirs plus substantiels et bien définis[9]. L’objectif étant de rendre le contrôle financier de l’État plus efficace dans un contexte de rareté de ressources humaines ; [10]autrement dit, d’optimiser la gestion des finances publiques dans un souci d’adaptation de la norme budgétaire à la situation conjoncturelle[11]des États membres.
S’agissant du contrôle juridictionnel des comptes de l’État, les directives communautaires recommandent la création d’une Cour des Comptes. Néanmoins, au niveau du Cameroun « la juridiction actuelle, à savoir la Chambre des comptes de la Cour suprême, voit ses pouvoirs renforcés et ses compétences élargies. Le contrôle juridictionnel prend donc un nouveau visage car, la Chambre des comptes va désormais assister le Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois des finances, et va aussi se charger de la certification du compte général de l’État »[12].
Pourtant, la réception dans le droit national de ces directives d’intégration régionale constitue pour les États membres de la communauté une obligation. Cette obligation tire sa source du droit primaire[13] de la communauté et suppose une transposition fidèle, complète et ponctuelle renforçant mutuellement la gestion des finances publiques des États membres. Cependant, à la différence du droit français, l’obligation de transposition qui incombe au Cameroun du fait de sa participation au traité CEMAC ne constitue pas en l’état actuel une obligation constitutionnelle[14]. Elle s’opère dans le respect des exigences communautaires en matière de « transposition ».
En tant que droit autorégulé, le droit communautaire, à l’instar du droit OHADA, consacre des exigences s’agissant de l’internalisation des directives d’harmonisation. Ces exigences visent à structurer l’alignement cohérent et coordonné des États membres au droit dérivé de la communauté, dont la concrétisation est encadrée par les principes dits de primauté d’une part, et d’effet direct d’autre part.
Au-delà de ces principes d’articulation entre l’ordre juridique commun et les ordres juridiques internes des États membres, le système juridique communautaire consacre une répartition des compétences entre l’échelon communautaire et le niveau étatique. Cependant la réception dans l’ordre interne du droit commun, pour être cohérente doit épouser les grands enjeux de politique juridique interne, et donc l’identité normative nationale.
La réception du droit dérivé, et donc des directives d’harmonisation du droit financier, se trouve alors ballotée entre respect des normes communes et nécessaire prise en compte de l’identité normative. On envisagera sous ce rapport l’alignement des États membres à l’ordre communautaire, aussi bien du point de vue de son caractère obligatoire que des difficultés y relatives.
1.2.1. L’obligation de s’aligner à l’ordre juridique communautaire
Les États membres de la communauté sont astreints à l’obligation de s’aligner aux prescriptions des textes communautaires. Le respect de cette obligation s’inscrit dans le cadre de deux principes consacrés par le droit primaire de la communauté. Ce sont les principes d’autonomie institutionnelle et procédurale d’une part et de respect de l’identité normative des États d’autre part.
1.2.1. 1. Le respect de l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres
L’autonomie institutionnelle et procédurale est un principe de droit communautaire primaire qui organise la répartition des compétences entre la communauté et les États membres s’agissant de la concrétisation du droit dérivé porté par les directives d’harmonisation. Il est consacré par les dispositions de l’article 8 de la Convention régissant l’UEAC et désigne l’autonomie des États membres dans la désignation des instances et organes compétents pour exécuter le droit de la CEMAC.
L’autonomie procédurale quant à elle renvoie à la compétence réservée à ces États s’agissant de la détermination des formes et procédures par lesquelles lesdits organes mettent en œuvre le droit de la communauté. Ce principe consacre la souveraineté des États membres et le respect de leur tradition politique, administrative, légistique et législative s’agissant de la mise en œuvre du droit dérivé de la communauté.
C’est en application de ce principe de concrétisation du droit communautaire que notre pays a mis en place une mécanique institutionnelle et procédurale spécifique en vue d’arrimer son cadre juridique aux prescriptions des Directives d’harmonisation. Ce principe constitue avec le respect de l’identité normative des États membres, des aspects centraux du droit de la transposition.
1.2.1.2. Le respect de l’identité normative et constitutionnelle des États membres
A travers les principes de primauté, d’effet direct et de coopération loyale, le droit primaire de la communauté organise sa concrétisation par les États membres. La mise en œuvre de l’obligation, qui pèse sur les États membres de se conformer aux normes communautaires, doit s’inscrire dans le respect de l’identité normative et constitutionnelle des États membres de la communauté. L’identité normative et constitutionnelle renvoie à un ensemble de valeurs juridiques et de principes contenus dans la Constitution camerounaise, comportant un caractère intangible et qui ne sauraient être remises en cause par le processus de construction communautaire piloté par la CEMAC.
Le respect de l’identité normative suppose donc une relation de compatibilité entre primauté du droit communautaire et droit constitutionnel des États membres. En clair, la primauté des normes communautaires sur le droit interne ne peut produire son plein effet que dans le respect de la constitution camerounaise. Ainsi, s’agissant des opérations d’internalisation des directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques, les développements suivant apporteront des clés de lectures quant à l’influence de l’identité normative et constitutionnelle camerounaise sur l’obligation de transposition complète et ponctuelle incombant au Cameroun.
1.1.2. Les difficultés de l’alignement à l’ordre juridique communautaire
Le déficit d’accompagnement communautaire des opérations de transposition autant que l’ineffectivité des mécanismes communautaires de sanction du droit communautaires CEMAC peuvent être mobilisés comme facteurs explicatifs du retard observé dans l’internalisation des directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques.
1.2.2.1. Le déficit d’accompagnement communautaire des opérations de transposition
Le droit communautaire CEMAC se caractérise globalement par un déficit de soutien communautaire dans la réception du droit dérivé́. Sur le principe, la Commission de la CEMAC est constituée gardienne des Traités en vertu des dispositions de l’article 35 du traité CEMAC révisé́. Elle veille à ce titre au respect et à l’application par les États membres ou leurs ressortissants des dispositions du traité et des actes pris par les institutions, organes et institutions spécialisées de la communauté́.
En pratique cependant, cette dévolution de compétence au bénéfice de la commission, se trouve dépourvue d’un mécanisme de soutien technique et d’accompagnement des États membres à des fins d’amélioration de la célérité́ et de la qualité́ des opérations de transcription du droit dérivé́.
Sur cette absence de soutien technique se greffe l’inexistence d’un mécanisme de dialogue entre la commission et les États membres, en vue de coordonner au sein du périmètre communautaire, la mise en œuvre par les États membres des obligations normatives de transposition. Cette remarque demeure constante en dépit de l’obligation de transmission à la commission des projet d’actes de transposition posée par les dispositions terminales des Six directives du cadre harmonisé d’une part, et de l’accompagnement par diverses missions de la commission des opérations d’internalisation des directives d’autre part.
A cette absence de mécanismes d’accompagnement s’ajoute l’ineffectivité des mécanismes de sanction du droit communautaire.
1.2.2.2 L’ineffectivité des mécanismes communautaire de sanction du droit primaire
En ce qui concerne le déficit de contrôle de la mise en œuvre du droit dérivé́ au sein de la CEMAC, le traité révisé́ a institué un régime de sanctions en son article 4 alinéa 2. Cet article dispose en substance qu’« en cas de manquement par un État aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la cour de justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini par les textes spécifiques ».
Le traité révisé́ consacre ainsi la notion de manquement. Cette notion recouvre les situations de non-respect par un État membre des obligations résultant du droit communautaire, originaire ou dérivé. Le manquement peut résulter d’un acte positif ou d’une abstention. Du point de vue de l’obligation de transposition, le manquement recouvre les cas d’actes juridiques non conformes au droit dérivé ou d’absence d’acte de transposition.
Cependant, le traité CEMAC révisé ne prévoit pas une procédure explicite permettant de constater les dits manquements. Néanmoins, les dispositions de l’article 35 paragraphe 7 du traité révisé consacrent au bénéfice de la Commission un pouvoir d’interpellation des États membres sur les conséquences du non- respect des politiques communautaires, en précisant à cet effet qu’elle est tenue d’établir un rapport au Conseil des Ministres, dont le silence peut entraîner la saisine de la Cour de Justice de la Commu
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Oct 18, 2016
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