ETUDE SUR LE DEGRE DE TRANSPOSITION DES DIRECTIVES Planoscam

 

SOMMAIRE_ 2

SIGLES ET ABREVIATIONS_ 3

RESUME_ 4

LISTE DES TABLEAUX_ 6

INTRODUCTION_ 7

1      LE CADRE HARMONISE DE GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET LES EXIGENCES DE TRANSPOSITION_ 9

1.1. Le cadre harmonisé de gestion des finances publiques issu des directives de 2011_ 9

1.2. Les exigences communautaires en matière de transposition : entre respect des normes communes et sauvegarde de l’identité normative nationale_ 15

2. ÉTAT DE LA TRANSPOSITION DES DIRECTIVES DU CADRE HARMONISE ET DIFFICULTES Y RELATIVES_ 20

2.1. Les dispositions communautaires à transposer en droit interne 20

2.2. Déroulement du processus de transposition des directives 22

2.3. Les dispositions non transposées en intégralité 24

2.4. Situation de la transposition des directives de finances publiques de 2011 à la date du 25 juillet 2019  27

3. ROLE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LA GOUVERNANCE FINANCIERE PUBLIQUE AU CAMEROUN_ 28

3.1. place du citoyen dans la réforme des finances publiques au Cameroun_ Erreur ! Signet non défini.

3.2. Rôle de la société civile dans la gestion moderne des finances publiques Erreur ! Signet non défini.

3.3. Implication de la société civile dans les réformes au Cameroun_ 30

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS_ 37

1.  Recommandations spécifiques aux pouvoirs publics 38

2.  Recommandations spécifiques a la société civile_ 38

3.  Recommandations spécifiques à destination de la communauté_ 40

ANNEXES_ 41

 

 

 

 

 

 

 

SIGLES ET ABREVIATIONS

 

   

AE

Autorisation d’Engagement

BP

Budget-Programme 

CDMT

Cadre de dépense à moyen terme

CEDEAO                              

Communauté Économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest

CEMAC

 

COMESA                 

Common Market for Eastern and Southern Africa and West African Economic and Monetary Union

DSCE

Document de Stratégie pour la Croissance et l'Emploi

DGB

Direction Générale du Budget

FMI    

Fonds Monétaire International

GAR

Gestion axée sur les résultats

LF                              

Loi de Finances

LOLF

Loi organique relative aux lois de finances

MINEPAT

Ministère de l'Economie, de la Planification et de l'Aménagement du Territoire

MINFI

Ministère Des Finances

MINMAP

Ministère des Marchés publics

ODD                         

Objectif de Développement Durable

PCE                           

Plan Comptable de l’État

PPA

Projet de Performance des Administrations

PPBS

Planning, Programming, and Budgeting System

PPTE

Pays Pauvres Très Endettés

PROBMIS

Programme- Budget Management Information System

PTF

Partenaires Techniques et Financiers

PTF                            

Partenaire Technique et Financier

RAP

Rapport Annuel de Performance

RFE

Régime Financier de l'Etat

RFP

Réforme des Finances Publiques

RGCP                         

Règlement Général sur la Comptabilité Publique

TOFE                          

Tableau des Operations Financières de l’État

UE                                  

Union Européenne

UEAC                          

Union Économique des États de l’Afrique Centrale

UEMOA 

Union Économique et Monétaire ouest africaine

SADC                         

Southern African Development Community

 

 

 

 

 

RESUME

 

Le 19 Décembre 2011 étaient adoptées par la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) six directives visant à  harmoniser le cadre juridique de la gestion des finances publiques dans ses États membres. Les Directives CEMAC telles qu’elles sont communément appelées participent d’une dynamique de modernisation de la gestion des finances publiques voulue plus transparente dans les pays concernés - dont le Cameroun, principale économie de la sous-région abritant certaines des plus importantes institutions financières de la Communauté - et mieux à même de répondre aux exigences de comparabilité entre eux et avec les autres régions du monde des données financières publiques.

Cela devrait également permettre d’améliorer le suivi des politiques économiques, budgétaires et financières des États membres sur l’exemple des Directives de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) de 1997 et 1998 et des bonnes pratiques qui en ont découlé.

Le degré de transposition des Directives CEMAC au Cameroun est suivi de près par la Société Civile locale qui s’est engagée à appuyer les pouvoirs publics dans le renforcement de la bonne gouvernance, portée, à travers ses diverses actions de plaidoyer et de sensibilisation aux principes de redevabilité mutuelle et transparence qu’elle promeut, par les Objectifs de Développement Durable (ODD) ; lesquels suggèrent de mettre l’ensemble des partenaires au développement à contribution en vue de l’éradication de la pauvreté, de la lutte plus efficace contre les inégalités et au-delà, de la préservation de la cohésion sociale.

Le lancement en mars 2019 du projet de Renforcement des Capacités de la Société Civile dans le Contrôle Citoyen des Finances Publiques (ROSFIP) financé majoritairement  par l’Union Européenne (UE), partenaire privilégié dans la mise en œuvre de l’action publique en faveur du développement au Cameroun, offre ainsi un signal fort de la reconnaissance de la Société Civile en tant qu’acteur clé de la réflexion autour d’une meilleure gestion des finances publiques en vue de l’amélioration des indicateurs nationaux de développement. Comment la Société Civile inscrit-elle son action dans le domaine financier public, longtemps resté l’apanage des acteurs institutionnels ? Comment celle-ci pourrait aider  les pouvoirs publics à inverser la courbe du retard observé, s’agissant de l’internalisation des Directives CEMAC ? Le pays dispose-t-il de ressources suffisantes et adéquates pour s’arrimer aux normes communautaires ?

La présente étude présente la mécanique d’internalisation des directives déployée par le Cameroun pour s’arrimer aux normes communautaires.  Elle permet en outre d’évaluer l’efficacité des mécanismes politiques ou administratifs existant dans le droit camerounais et spécifiques à la mise en œuvre des opérations de transposition du cadre harmonisé de gestion des finances publiques. Elle apporte à partir du contexte camerounais des éléments  d’analyse quant au rôle que peuvent jouer les acteurs non étatiques au développement du Cameroun - notamment la Société Civile- dont l’intérêt pour les thématiques liées à la gestion des finances publiques est grandissant ainsi qu’en témoigne le projet de Renforcement des Capacités des Organisations de la Société Civile dans le Contrôle Citoyen des Finances Publiques (ROSFIP) lancé en Mars 2019  -  dans l’accélération des processus y relatifs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LISTE DES TABLEAUX

 

Tableau 1 : Principales innovations du régime financier de 2007. 10

Tableau 2 :Le Cadre de pilotage de ces réformes. 11

Tableau 2 : Le tableau ci-contre rappelle les axes et objectifs du PMFP. 12

Tableau 4 : Ecarts entre le régime financier et la directive n°01 relative aux lois de finances. 20

Tableau 5 : Ecarts entres les autres directives et les textes nationaux de transposition. 21

Tableau 6 : Dispositions nécessitant une modification constitutionnelle. 25

Tableau 7 : Dispositions institutionnelles et règlementaires non transposées en intégralité. 26

Tableau 8 : Situation De La Transposition Des Directives De Finances Publiques De 2011 A La Date Du 25 Juillet 2019. 27

 

                                                                       

 

INTRODUCTION

 

Contexte et justification

Au cours des années 2000, le Gouvernement de la République du Cameroun a engagé des réformes majeures dans le domaine des finances publiques avec l’adoption et la promulgation de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant Régime Financier de l’État. Cette loi a introduit des innovations importantes dans la gestion des finances publiques au Cameroun. Elle instaure notamment une budgétisation par programmes qui a permis de passer d’une logique de budget de moyens, qui reflétait difficilement les priorités nationales, à une logique de budget par programmes qui se focalise sur l’efficacité de l’action publique et non plus seulement sur les aspects liés à la régularité de la dépense.

Parallèlement à ce chantier de réformes entamé par le Cameroun avec en perspective la mise en œuvre intégrale du Régime Financier de l’État (RFE) pour le 1er janvier 2013, le Conseil des Ministres de la CEMAC a adopté en décembre 2011 un ensemble de dispositions devant formaliser le Cadre Harmonisé de Gestion des Finances Publiques au sein du périmètre Communautaire, dont le délai de transposition dans les législations des États membres, initialement fixé au 31 décembre 2013 a été repoussé au 31 décembre 2017, puis au 31 décembre 2021, en raison de la persistance  de retards de transposition de la part de certains États membres à l’instar du Cameroun.

 

Objectifs de l’étude

L’étude vise de manière générale à faire un état des lieux de la transposition des Directives CEMAC dans la législation camerounaise. De manière spécifique il s’agit :

  1. de présenter les exigences communautaires en matière de transposition des Directives CEMAC ;
  2. d’examiner  les facteurs du retard observé dans la transposition des Directives ;
  3. de présenter le rôle des acteurs non-étatiques, notamment la société civile dans le contrôle citoyen des finances publiques.

La présente étude devrait ainsi permettre aux acteurs intéressés, à l’instar de la société civile, de s’approprier les spécificités du cadre harmonisé de gestion des finances publiques au sein de la communauté ainsi que les textes de transposition y relatifs dans le contexte camerounais.

 

Approche méthodologique

 

Au plan méthodologique, la présente étude s’est appuyée sur des données primaires issues d’enquêtes semi-structurées, auprès des parties prenantes (responsables pays du Bureau de la CEMAC, fonctionnaires du Ministère des Finances et spécialement de la Direction Générale du Budget en charge de la conduite du processus de transposition des Directives, représentants de la société civile impliquées dans le contrôle citoyen des finances publiques, juristes et professeurs de droit) selon leur degré d’intervention dans la formulation et l’implémentation des Directives ou en fonction de leur compréhension approfondie en tant que personnes ressources du cadre y relatif.

 

Les données secondaires sur lesquelles se fonde l’analyse émanent quant à elles d’une recherche documentaire tirant profit de la pléthore d’informations contenues dans les documents de référence de la CEMAC sur la mise en œuvre des Directives depuis leur adoption en 2011 ainsi que d’autres études et analyses disposant d’un champ similaire à celle-ci.

 

Comme valeur ajoutée, l’étude a été facilitée par la proximité des Consultants avec le Ministère des Finances du Cameroun (MINFI) au sein duquel ils exercent de longue date des responsabilités liées notamment aux processus de construction communautaire les mettant en lien étroit avec la mécanique camerounaise de transposition des directives financières de la CEMAC, ainsi que de par leur formation universitaire qui recoupe les thématiques débattues.

Structuration du rapport

Le présent rapport est structuré de la manière suivante :

  • une introduction, qui présente le contexte de l’étude, ensuite ses objectifs et enfin la méthodologie de réalisation de l’étude.
  • une première partie qui présente le cadre harmonisé de gestion des finances publiques ainsi que les exigences communautaires en matière de transposition des directives ;
  • une deuxième partie qui présente l’état des lieux du processus de transposition des directives du cadre harmonisé de la CEMAC dans la législation camerounaise ;
  • une troisième partie qui traite du rôle de la société civile dans la gouvernance financière publique au Cameroun;
  • et enfin, une conclusion assortie de recommandations.

 

  1. LE CADRE HARMONISE DE GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET LES EXIGENCES DE TRANSPOSITION

 

    1. Le cadre harmonisé de gestion des finances publiques issu des directives de 2011

 

      1. le contexte d’intervention des directives de 2011 : mise en œuvre du rfe

Les directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques dans les pays membres de la CEMAC interviennent en 2011 alors que le Cameroun est depuis plusieurs exercices budgétaires dans les travaux de mise en œuvre progressive de la loi n°2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’État dont l’entrée en vigueur intégrale était prévue au 1er janvier 2013, avec notamment l’institutionnalisation du budget programme[1]. Cette partie du rapport présente les principales innovations ainsi que le cadre de pilotage des travaux de mise en œuvre du RFE.

Le régime financier de l’État de 2007 s’est inspiré des bonnes pratiques en la matière au niveau international et notamment de la loi organique portant loi de finances en France (LOLF). Il a été adopté  suite au diagnostic du système de gestion des finances publiques à travers l’étude PEFA[2]. Les principales innovations de ce texte qui a remplacé l’Ordonnance n° 62/0F/4 du 7 février 1962 portant régime financier de la République Fédérale du Cameroun modifiée par la loi n° 2002/001 du 19 avril 2002 sont résumées dans le tableau ci-dessous :

 

 

 

 

 

Tableau 1 : Principales innovations du régime financier de 2007

Innovations

Observations

01

Évolution des principes budgétaires

  • Deux nouveaux principes: la sincérité et la transparence ;
  • L’annualité a évolué avec l’introduction de la pluri annualité des autorisations budgétaires ;
  • Le programme est devenu l’unité de la spécialité des crédits.

02

(Responsabilisation)

Déconcentration de l’ordonnancement

 

  • Le ministre des finances n’est plus ordonnateur principal et unique du budget de l’Etat ;
  • Les chefs de départements ministériels ou assimilés et les présidents des organes constitutionnels sont ordonnateurs principaux de leurs budgets en matière de dépenses.

03

Passage du budget de moyen au budget programme

  • Le budget de l’Etat adopté en loi de finances est présenté par programme ;
  • Sont joints à la loi de finances initiale : les projets de performance par administration.

04

Évolution de la comptabilité publique

  • Institutionnalisation de trois types de comptabilité : la comptabilité générale, la comptabilité analytique et la comptabilité budgétaire

05

réaffirmation du monopole du Trésor Public

  • Mise en place du principe d’unicité de caisse

06

Renforcement du contrôle parlementaire

 

  • Meilleure information des parlementaires[3]
  • Elargissement du champ de contrôle parlementaire
  • Encadrement du déficit budgétaire par le Parlement

 

07

Renforcement du contrôle juridictionnel

  • Réaffirmation des compétences de la chambre des comptes en matière de jugement des comptes de l’Etat et de la bonne exécution de la dépense publique 

 

Diverses instances ont été mises en place à l’effet de conduire les réformes induites par l’adoption du RFE et organisées autour du plan de modernisation des finances publiques.

 

Le Cadre de pilotage de ces réformes

Le pilotage des réformes des finances publiques au Cameroun distingue le niveau stratégique, du cadre opérationnel. D’une part, le pilotage stratégique des réformes des finances publiques est conduit par le Ministre des Finances qui préside deux Comités de Pilotages. D’autre part, de manière opérationnelle, les activités de réformes sont conduites par des structures bien précises notamment le Secrétariat technique, la Division de la Réforme et les services de mise en œuvre.

Les missions et compositions de ces instances de pilotage sont présentées dans le tableau ci-dessous :

 

Tableau 2 : Le Cadre de pilotage de ces réformes

Instances

Missions

Membres

Pilotage stratégique

Comité de pilotage de la Plateforme de Dialogue sur les Finances Publiques

  • Coordination des interventions des partenaires au développement en matière de finances publiques
  • Animation du dialogue entre le gouvernement et les partenaires au développement,
  • Suivi et évaluation des réformes.

Représentants des autorités camerounaises

Partenaires techniques et financiers

Représentant de la Société Civile et du Secteur Privé

Comité chargé du Pilotage des Réformes des Finances Publiques

L’instance d’orientation, d’animation et de supervision de la mise en œuvre des réformes budgétaires

PRC, SPM, CONSUPE, Départements ministériels, Cellule PROMAGAR, CTS, SPRA MINFI et MINEPAT. Commission des Finances de l’Assemblée Nationale

Pilotage opérationnel

Secrétariat technique des réformes

Coordonner, préparer suivre la mise en œuvre des actions de réforme, assister les structures pour la mise en œuvre des réformes, piloter leur mise en œuvre t produire les rapports d’activité et d’avancement des travaux. 

Cadres spécialisés par domaines Réformes budgétaires et contrôle, Réformes comptables et recettes, Renforcement des capacités, Systèmes intégrés de gestion, Affaires administratives, financières et comptables, Passation des marchés.

Division de la réforme budgétaire

Instance de préparation et de coordination de toutes les réformes budgétaires au MINFI

Elle assure le mandat du secrétariat technique des réformes

Responsables

Cadres

Agents

SMO

Interviennent dans les axes stratégiques, assure le reporting régulier au responsable sur l’état d’avancement des actions.

Les responsables

Les chefs de projets

Les cadres et agents

Groupes de travail

Soutenir les actions de mises en œuvre des réformes

Présidents, rapporteurs et membres

 

Sources : Arrêtés n° 028/CAB/PM du 09 février 2007 et n° 063 CAB / PM du 19 février 2009, organigramme 2012 MINFI

 

Le Plan de Modernisation des Finances Publiques

Le Plan de Modernisation des Finances Publiques (PMFP) adopté en 2009 a tenu compte des insuffisances constatées par l’évaluation du système de gestion des finances publiques du Cameroun selon la méthodologie PEFA en 2007. C’est le premier document clé dans la mise en œuvre des réformes. Il a été structuré autour de dix (10) axes dont sept (07) relatifs au cycle budgétaire et trois (03) concernant les fonctions transversales.

 

Tableau 3 : Les axes et objectifs du PMFP.

Axe stratégiques

Objectifs

Axe 1 - Planification, programmation, budgétisation

Une budgétisation basée sur les politiques publiques

Axe 2 - Recette et fiscalité

Une meilleure performance des dispositifs de mobilisation des ressources internes et externes

Axe 3 - Financements extérieurs

Axe 4 - Exécution budgétaire

Une exécution du budget transparente et conforme aux normes internationales

Axe 5 - Comptabilité publique

Axe 6 - Trésorerie et dette

Axe 7 - Contrôles internes et externes

Axe 8 - Gestion des ressources humaines et de la masse salariale

Une gestion des ressources humaines adaptée aux enjeux de la gestion axée sur les résultats

Axe 9 - Systèmes informatiques

 

Un système d’information adapté aux exigences de modernisation de la gestion des finances publiques

Axe 10 - Cadre institutionnel et capacités

Un cadre institutionnel de la gestion des finances publiques renforcé

 

La prise en compte des exigences de transposition des directives CEMAC de décembre 2011, notamment le démarrage des travaux d’identification des écarts entre les obligations fixées dans les directives et le corpus juridique national va conduire à l’adoption d’un PMFP révisé au cours de la période 2012-2015.

      1. Les innovations introduites par les directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques

Dans l’optique d’atteindre ses objectifs d’intégration régionale, le Conseil des Ministres de l’union économique des États de l’Afrique Centrale (UEAC) a adopté le 11 Décembre 2011 six directives visant la modernisation des instruments de gestion et de pilotage des finances publiques au sein de la CEMAC. 

 

Ce sont les directives relatives au Code de transparence et de bonne gouvernance dans la gestion des finances publiques au sein de la CEMAC, aux lois de finances (LF), au règlement général sur la comptabilité́ publique (RGCP), à la nomenclature budgétaire de l’État (NBE), au plan comptable de l’État (PCE) et au tableau des opérations financières de l’État (TOFE). Leur adoption devrait permettre   d’harmoniser, dans le périmètre communautaire constitué du Cameroun, du Gabon, de la Guinée Équatoriale, de la République Centrafricaine, de la République du Congo et du Tchad, le cadre juridique de gestion des finances publiques. Elles participent ainsi d’une dynamique de modernisation de la gestion des finances publiques voulue plus transparente dans les pays concernés dans l’optique d’un meilleur suivi des politiques économiques, budgétaires et financières des États membres[4], afin de mieux répondre aux exigences de comparabilité des statistiques financières publiques nécessaire à une surveillance multilatérale efficace des politiques budgétaires nationales.

 

Ce nouveau cadre harmonisé vient succéder aux cinq (05) premières directives adoptées dès 2008 mais n’ayant jamais été implémentées en raison d’un accompagnement lacunaire des institutions communautaires, mais aussi et surtout en raison de nombreuses insuffisances ou d’incohérences internes.  Leur évaluation par le Fonds Monétaire International (FMI) en 2009 impliquant à la fois les États membres et les partenaires techniques et financiers (PTFs) a permis à la CEMAC, grâce à l’appui technique du FMI à travers son Département des Finances Publiques, de procéder à une relecture des Directives et de les rénover avec comme principal objectif, entre autres, de promouvoir le processus d’intégration physique, économique et monétaire[5] - en Afrique centrale, lequel passe par la transposition des directives revues des finances publiques dans le droit public financier des États membres.

 

Les nouvelles directives ainsi adoptées modifient le cadre communautaire préexistant de gestion des finances publiques pour l’inscrire dans de nouveaux paradigmes, dont les principaux sont les suivants :

  1. Le renforcement de l’efficacité de la dépense publique à travers le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats et la mesure de l’action publique sous l’angle de la performance selon une approche de gestion davantage similaire au secteur privé, par exemple sous le volet comptabilité ;
  2. La rénovation de la gestion publique en accordant davantage de liberté aux gestionnaires tout en assurant en contrepartie une plus grande responsabilisation de leurs actions ;
  3. L’amélioration de la transparence budgétaire à travers une nomenclature plus lisible et des informations budgétaires plus exhaustives ; cela est également visible notamment en matière d’innovations techniques au plan de la comptabilité de l’État constituée par quatre types de comptabilité qui se complètent dont une budgétaire, une générale, une concernant l’analyse des coûts des actions des programmes et une autre relative aux matières, valeurs et titres.
  4. Lintroduction de la pluri annualité dans la gestion publique à travers la systématisation de l’approche à moyen terme dans la gestion et l’orientation des finances publiques d’une part et la fixation d’une stratégie soutenable pour les finances publiques à moyen terme d’autre part ;
  5. Le renforcement des contrôles sur les finances publiques à travers une meilleure information des citoyens, des institutions et organes de contrôle.

 

Ces directives renouvellent également les modalités de gestion, notamment celles d’un budget de programme avec des indicateurs de performance associés et la déconcentration de l’ordonnancement -   la comptabilité de l’État étant désormais assurée à la fois par le comptable et l’ordonnateur - faisant parallèlement du niveau ministériel le plus pertinent pour l’exécution du budget[6] puisque le responsable de programme est nommé par son ministre et devient par le biais de cette désignation le principal artisan du budget programme[7].

 

 Les innovations techniques au plan budgétaire qui occupent une place importante dans ce cadre revu de gestion des finances publiques concernent par ailleurs la nouvelle présentation du budget ; selon le nouveau régime financier de l’État Camerounais en vue de l’arrimage aux Directives communautaires. Elle permettra au Parlement de s’imprégner en amont de l’esprit du budget à travers des discussions sur les objectifs de stabilité budgétaire par le biais d’un débat d’orientation budgétaire (DOB) et intègrera en l’occurrence les fonds des partenaires au développement.[8]

 

Cette nouvelle présentation du budget consacre aussi l’introduction de deux nouvelles classifications : l’une fonctionnelle et programmatique, à côté des traditionnelles classifications économique et administrative. Elle consacre également des principes d’articulation entre la nomenclature budgétaire et le plan comptable de l’État renforçant ainsi, toujours dans le cas du Cameroun, le contrôle de la dépense publique tout en l’adaptant en fonction du niveau de risques budgétaires ; ce qui accorde au contrôleur financier un rôle d’acteur budgétaire avec des pouvoirs plus substantiels et bien définis[9]. L’objectif étant de rendre le contrôle financier de l’État plus efficace dans un contexte de rareté de ressources humaines ; [10]autrement dit, d’optimiser la gestion des finances publiques dans un souci d’adaptation de la norme budgétaire à la situation conjoncturelle[11]des États membres.

 

S’agissant du contrôle juridictionnel des comptes de l’État, les directives communautaires recommandent la création d’une Cour des Comptes. Néanmoins, au niveau du Cameroun « la juridiction actuelle, à savoir la Chambre des comptes de la Cour suprême, voit ses pouvoirs renforcés et ses compétences élargies. Le contrôle juridictionnel prend donc un nouveau visage car, la Chambre des comptes va désormais assister le Parlement dans le contrôle de l’exécution des lois des finances, et va aussi se charger de la certification du compte général de l’État »[12].

 

Pourtant, la réception dans le droit national de ces directives d’intégration régionale constitue pour les États membres de la communauté une obligation. Cette obligation tire sa source du droit primaire[13] de la communauté et suppose une transposition fidèle, complète et ponctuelle renforçant mutuellement la gestion des finances publiques des États membres. Cependant, à la différence du droit français, l’obligation de transposition qui incombe au Cameroun du fait de sa participation au traité CEMAC ne constitue pas en l’état actuel une obligation constitutionnelle[14]. Elle s’opère dans le respect des exigences communautaires en matière de « transposition ».

 

1.2.      Les exigences communautaires en matière de transposition : entre respect des normes communes et sauvegarde de l’identité normative nationale

 

En tant que droit autorégulé, le droit communautaire, à l’instar du droit OHADA, consacre des exigences s’agissant de l’internalisation des directives d’harmonisation. Ces exigences visent à structurer l’alignement cohérent et coordonné des États membres au droit dérivé  de la communauté, dont la concrétisation est encadrée par les principes dits de primauté  d’une part, et d’effet direct  d’autre part.

Au-delà de ces principes d’articulation entre l’ordre juridique commun et les ordres juridiques internes des États membres, le système juridique communautaire consacre une répartition  des compétences entre l’échelon communautaire et le niveau étatique. Cependant la réception dans l’ordre interne du droit commun, pour être cohérente doit épouser les grands enjeux de politique juridique interne, et donc l’identité normative nationale.

 

La réception du droit dérivé, et donc des directives d’harmonisation du droit financier, se trouve alors ballotée entre  respect des normes communes et nécessaire prise en compte de l’identité normative. On envisagera sous ce rapport l’alignement des États membres à l’ordre communautaire, aussi bien du point de vue de son caractère obligatoire que des difficultés y relatives.

 

1.2.1.   L’obligation de s’aligner à l’ordre juridique communautaire

 

Les États membres de la communauté sont astreints à l’obligation de s’aligner aux prescriptions des textes communautaires. Le respect de cette obligation s’inscrit  dans le cadre de deux principes consacrés par le droit primaire de la communauté. Ce sont les principes d’autonomie institutionnelle et procédurale d’une part et de respect de l’identité normative des États d’autre part.

 

1.2.1. 1. Le respect de l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres

 

L’autonomie institutionnelle et procédurale est un principe de droit communautaire primaire qui organise la répartition des compétences entre la communauté et les États membres s’agissant de la concrétisation du droit dérivé porté par les directives d’harmonisation. Il est consacré par les dispositions de l’article 8 de la Convention régissant l’UEAC et désigne l’autonomie des États membres dans la désignation des instances et organes compétents pour exécuter le droit de la CEMAC. 

 

L’autonomie procédurale quant à elle renvoie à la compétence réservée à ces États s’agissant de la détermination des formes et procédures par lesquelles lesdits organes mettent en œuvre le droit de la communauté. Ce principe consacre la souveraineté des États membres et le respect de leur tradition politique, administrative, légistique et législative s’agissant de la mise en œuvre du droit dérivé de la communauté.

 

C’est en application de ce principe de concrétisation du droit communautaire que notre pays a mis en place une mécanique institutionnelle et procédurale spécifique en vue d’arrimer son cadre juridique aux prescriptions des Directives d’harmonisation. Ce principe constitue avec le respect de l’identité normative des États membres, des aspects centraux du droit de la transposition.

 

1.2.1.2.            Le respect de l’identité normative et constitutionnelle des États membres

 

A travers les principes de primauté, d’effet direct et de coopération loyale, le droit primaire de la communauté organise sa concrétisation par les États membres. La mise en œuvre de l’obligation, qui pèse sur les États membres de se conformer aux normes communautaires, doit s’inscrire dans le respect de l’identité normative et constitutionnelle des États membres de la communauté.  L’identité normative et constitutionnelle renvoie à un ensemble de valeurs juridiques et de principes contenus dans la Constitution camerounaise, comportant un caractère intangible et qui ne sauraient être remises en cause par le processus de construction communautaire piloté par la CEMAC.

 

Le respect de l’identité normative suppose donc une relation de compatibilité entre primauté du droit communautaire et droit constitutionnel des États membres. En clair, la primauté des normes communautaires sur le droit interne ne peut produire son plein effet que dans le respect de la constitution camerounaise. Ainsi, s’agissant des opérations d’internalisation des directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques, les développements suivant apporteront des clés de lectures quant à l’influence de l’identité normative et constitutionnelle camerounaise sur l’obligation de transposition complète et ponctuelle incombant au Cameroun.

 

1.1.2.         Les difficultés de l’alignement à l’ordre juridique communautaire

 

Le déficit d’accompagnement communautaire des opérations de transposition autant que l’ineffectivité des mécanismes communautaires de sanction du droit communautaires CEMAC peuvent être mobilisés comme facteurs explicatifs du retard observé dans l’internalisation des directives du cadre harmonisé de gestion des finances publiques.

 

1.2.2.1. Le déficit d’accompagnement communautaire des opérations de transposition

 

Le droit communautaire CEMAC se caractérise globalement par un déficit de soutien communautaire dans la réception du droit dérivé́. Sur le principe,  la Commission de la CEMAC est constituée gardienne des Traités en vertu des dispositions de l’article 35 du traité CEMAC révisé́. Elle veille à ce titre au respect et à l’application par les États membres ou leurs ressortissants des dispositions du traité et des actes pris par les institutions, organes et institutions spécialisées de la communauté́.

 

En pratique cependant, cette dévolution de compétence au bénéfice de la commission, se trouve dépourvue d’un mécanisme de soutien technique et d’accompagnement des États membres à des fins d’amélioration de la célérité́ et de la qualité́ des opérations de transcription du droit dérivé́. 

 

Sur cette absence de soutien technique se greffe l’inexistence d’un mécanisme de dialogue entre la commission et les États membres, en vue de coordonner au sein du périmètre communautaire, la mise en œuvre par les États membres des obligations normatives de transposition. Cette remarque demeure constante en dépit de l’obligation de transmission à la commission des projet d’actes de transposition posée par les dispositions terminales des Six directives du cadre harmonisé d’une part, et de l’accompagnement par diverses missions de la commission des opérations d’internalisation des directives d’autre part.

 

A cette absence de mécanismes d’accompagnement s’ajoute l’ineffectivité des mécanismes de sanction du droit communautaire.

 

1.2.2.2 L’ineffectivité des mécanismes communautaire de sanction du droit primaire

 

En ce qui concerne le déficit de contrôle de la mise en œuvre du droit dérivé́ au sein de la CEMAC, le traité révisé́ a institué un régime de sanctions en son article 4 alinéa 2. Cet article dispose en substance qu’« en cas de manquement par un État aux obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire, la cour de justice peut être saisie en vue de prononcer les sanctions dont le régime sera défini par les textes spécifiques ».

 

Le traité révisé́ consacre ainsi la notion de manquement. Cette notion recouvre les situations de non-respect par un État membre des obligations résultant du droit communautaire, originaire ou dérivé. Le manquement peut résulter d’un acte positif ou d’une abstention. Du point de vue de l’obligation de transposition, le manquement recouvre les cas d’actes juridiques non conformes au droit dérivé ou d’absence d’acte de transposition.

 

Cependant, le traité CEMAC révisé ne prévoit pas une procédure explicite permettant de constater les dits manquements. Néanmoins, les dispositions de l’article 35 paragraphe 7 du traité révisé consacrent au bénéfice de la Commission un pouvoir d’interpellation des États membres sur les conséquences du non- respect des politiques communautaires, en précisant à cet effet qu’elle est tenue d’établir un rapport au Conseil des Ministres, dont le silence peut entraîner la saisine de la Cour de Justice de la Commu

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Emran Khan
Oct 18, 2016

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Prodip Ghosh
Oct 18, 2016

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